Tachkent paradoxes
Le projet a été réalisé en collaboration avec l’Institut d’Architecture de Tachkent et s’inscrit dans la série des échanges internationaux de Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles De l’Ouzbékistan en général, de Tachkent en particulier, nous ne savions rien ou presque. Quelques images de l’empire soviétique, des clichés de caravansérails sur la route de la soie tout au plus. C’est donc sans a priori que nous avons décidé d’observer cette ville, d’en comprendre les structures urbaines, les particularités architecturales, les usages. Dans un premier temps, nous avons organisé notre enquête en suivant la chronologie généralement retenue pour évoquer la culture ouzbèke : la période précoloniale (avant 1860), la période coloniale ou russo-soviétique (de 1860 à 1991), la période contemporaine dite de l’indépendance (depuis 1991). En collectant des images pour chacune de ces périodes, en redessinant les plans de quelques grands édifices caractéristiques, en observant les tracés urbains de la ville, la transformation des structures urbaines, il nous a progressivement été possible de dresser un premier portrait, encore fragile, de la ville. À chaque époque semblaient correspondre des traditions, des registres formels, des usages et des occupations spécifiques. Mais en y regardant de plus près, cette chronologie, pourtant limpide dans son découpage, laissait en réalité entrevoir de nombreuses zones de croisements, d’hybridation, et les images homogènes que nos hypothèses initiales suggéraient ont laissé place à des constructions complexes, entremêlant des motifs culturels bien souvent contradictoires. C’est ainsi que nous avons observé l’improbable adaptation des grands modèles architecturaux importés de l’Union Soviétique, ceux qui manipulaient avec emphase la rhétorique du modernisme international, aux structures traditionnelles de l’architecture locale. De la même manière nous avons constaté l’impossibilité pour l’époque contemporaine de formuler les termes de sa propre identité, et cela malgré la volonté omniprésente de construire l’image d’un pays que ses habitants eux-mêmes considèrent comme nouveau. Cette question de l’identité s’est progressivement imposée comme le thème principal du travail et c’est autour de ses ambiguïtés intrinsèques que nous avons décidé de formuler les hypothèses de sept projets. À chaque fois, il est question de faire émerger un aspect contradictoire au cœur des formes spécifiques de la ville. À chaque fois, il s’agit de faire de cette identité contrariée le sujet même du projet.
- Cédric Libert
- Elias Guenoun